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Le gouvernement Karzaï et l'argent fantôme de la CIA

29 Avril 2013 , Rédigé par Stéphane Publié dans #international

Le gouvernement Karzaï et l'argent fantôme de la CIA

Le président afghan admet que la CIA a, durant 10 ans, livré des millions de dollars à l’administration Karzaï, alimentant de fait le crime organisé dans le pays. Une corruption que dénonce l'ex-ambassadeur de France en Afghanistan.

Fini la langue de bois. Alors que l’ex-ambassadeur de France à Kaboul, Bernard Bajolet, a ouvertement critiqué, mardi 23 avril, la corruption gangrenant le système politique en Afghanistan, le "New York Times" (NYT) a révélé, dans le même temps, que la CIA avait secrètement "arrosé" à coups de valises de millions de dollars l’administration Karzaï depuis 2004.

Une information choc, confirmée par Hamid Karzaï lundi 29 avril. "Oui le CNS, [le Conseil national de sécurité, un organisme dépendant de la présidence] a reçu de l'argent de la CIA au cours des dix dernières années. Le montant n'est pas très important", s'est-il néanmoins justifié.

Le quotidien américain, pourtant, évoque un vaste réseau. "Depuis l'invasion en 2001, la CIA s'est offert en cash les services de nombreux chefs de guerre, comme Mohammed Fahim Khan, l'actuel premier vice-président", peut-on lire dans l'article. "Les États-Unis ont été la plus grande source de corruption en Afghanistan", a même déclaré, sous couvert d'anonymat, un responsable américain au NYT.

"L’argent arrivait en secret et repartait en secret"

Cet "argent fantôme", explique Khalil Roman, l'un des conseillers du président Hamid Karzaï de 2002 à 2005 interrogé par le NYT, "arrivait en secret et repartait en secret". Il s’agissait moins, pour la CIA, de maintenir Karzaï et son cercle rapproché au pouvoir que de garantir à l’agence américaine un droit de regard sur la politique du pays.

Ces agissements auraient débuté en 2004, selon le "New York Times", à l’arrivée de Karzaï à la tête de l'État. La CIA n'a pas - encore - souhaité commenter cet article.

Cette corruption généralisée avait déjà été pointée du doigt par Bernard Bajolet, dans son retentissant discours d’adieu à l’ambassade, quatre jours plus tôt. S’il n’avait pas ouvertement dénoncé ces trafics d’argent, Bajolet regrettait le manque de transparence flagrant dans les finances afghanes.

"La corruption est le défi le plus important du pays. Elle est le résultat de plusieurs facteurs, dont le manque de confiance d’une partie de l’élite afghane en son propre pays. Elle a également un impact désastreux sur les investisseurs étrangers qui appréhendent cette corruption tout autant que le manque de sécurité" en Afghanistan, avait-il déclaré, sans concession.

"Des valises secrètes d’argent ? Une tradition dans la région"

Pourtant, pour Alain Rodier, ancien officier des services de renseignement français contacté par FRANCE 24, ces accusations n’ont rien d’inédit.

"[Le 'New York Times' et Bernard Bajolet] ont mis les pieds dans le plat et dit tout haut ce que tout le monde sait", explique-t-il. "Ces informations sortent aujourd’hui sur la place publique, mais elles ne sont pas inédites. Il y a toujours eu des valises secrètes d’argent. C’est même traditionnel dans cette zone géographique. L’Iran a lui aussi fait parvenir des valises de billets à Kaboul. Tout ça devient juste un peu plus officiel aujourd’hui", continue le spécialiste du renseignement militaro-industriel.

Reste que cet afflux d’argent n’aurait pas profité au seul cercle rapproché de Karzaï. En graissant la patte des hommes politiques, les États-Unis auraient, malgré eux, favorisé les chefs de guerre locaux, les trafiquants, voire les Taliban - certains d'entre eux ont des liens avec des hommes politiques afghans, rappelle le NYT.

L'Indépendance financière de l'Afghanistan

"Ces valises sont un fléau économique et politique. Économique parce que, sans traçabilité, elles profitent aux narcotrafiquants - l’Afghanistan est le premier pays producteur d’héroïne au monde. N’oubliez pas que le propre frère de Hamid Karzaï [Ahmed Wali Karzaï] est soupçonné d’être un trafiquant !", reprend Alain Rodier.

Elles mineraient aussi, à fortiori, la stratégie de retrait des troupes américaines de l’Aghanistan en 2014 dont l'un des buts était, ironiquement, de démanteler les syndicats du crime. "Quand l’Otan partira, tout le monde sait très bien qu’il faudra peu de temps aux Taliban pour reprendre le pouvoir", pronostique Alain Rodier qui se dit "pessimiste pour l’avenir du pays".

Un pessimisme partagé par Bernard Bajolet. "Soyons honnêtes : Il n’existera jamais de souveraineté effective dans le pays tant que l’Afghanistan sera dépendant financièrement [des puissances occidentales]", avait encore déclaré celui-ci dans son discours, mardi.

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