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Comment Bercy veut saigner l’armée à blanc

10 Mars 2013 , Rédigé par Stéphane Publié dans #Economie

Comment Bercy veut saigner l’armée à blanc

DECRYPTAGE Les services de Bercy travailleraient sur une baisse de 11% du budget de la Défense, impliquant 50.000 suppressions d'emploi.

Le bras de fer ? Aussi terrible que souterrain. D’un côté, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui refuse de voir le budget de la défense amputé trop fortement à quelques jours de la remise au président de la République du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. De l’autre, les services de Bercy, dans une quête obsessionnelle d’économies, qui poussent à des efforts inédits sur le budget des armées. "Certains fonctionnaires de Bercy ont une obsession : sabrer la défense française et l’industrie qui va avec, dénonce un député, membre de la commission de défense. En oubliant que la défense est aussi un investissement qui rapporte, en technologies, en exportations, en emplois, en influence internationale."

Sur quels scénarios travaille Bercy ? Le blog Secret Défense, très bien informé sur le sujet, évoque aujourd’hui une proposition de 28 milliards d’euros présentée par le ministère du Budget en décembre, contre 31,4 milliards prévus en 2013. Cette proposition représente une baisse de 11%, et impliquerait selon les armées une coupe de 50.000 personnes dans les effectifs, assure le blog.

Une saignée sans précédent

Problème: "Depuis 15 ans et la fin de la conscription, l’outil de défense est dimensionné en moyenne à 32 milliards constants en valeur de 2012", expliquait en octobre le chef d’état-major des armées Edouard Guillaud. Un niveau de coupe de 11%, s’il se confirme, mettrait à mal la thèse de François Hollande et Jean-Yves Le Drian que la défense participe à l’effort de désendettement, "ni plus, ni moins" que les autres.

Un tel objectif impliquerait une saignée sans précédent dans un outil de défense qui a déjà beaucoup donné. L’application de la règle "zéro valeur" (stabilité en euros courants) au budget de la défense couperait automatiquement 40 milliards d’euros d’ici à 2020, soit plus d’une année de budget de défense. Or L’effort de défense français est déjà tombé au chiffre historiquement bas de 1,5% du PIB, et sera d’à peine 1% en 2015 si la tendance actuelle se poursuit.

Des navires et des avions en mauvais état

D’ici à 2015, le ministère de la Défense aura supprimé 54.000 postes, soit 17% de ses effectifs de 2009 (320 000 personnels), dont 32 000 suppressions sont déjà effectives. Sur l’année 2012, la défense, avec plus de 7000 emplois supprimés, représente même 60% des suppressions totales dans la fonction publique. Et la tendance à la sur-sollicitation financière de la défense se confirme : dans le "surgel" de 2 milliards d'euros, nouvelles économies à consentir en 2013 transmises aux ministères par le Budget, c’est encore la Défense qui est la plus touchée, avec 384 millions d’euros de crédits gelés.

Un nouveau passage à la paille de fer ne manquerait pas de dégrader encore une armée mise à rude épreuve par l’opération Serval au Mali, alors qu’elle sortait à peine du bourbier afghan. "Les cloisons intérieures de certains avions sont dans un triste état ; dans la coque de certains navires, l’épaisseur du métal n’est plus que d’un centimètre en comptant les couches de peinture ; le châssis de certains blindés montre des faiblesses", énumérait en octobre 2012 le chef d’état-major des armées Edouard Guillaud.

L’effectif de l’armée de l’air est équivalent à celui de la RATP

Si les armées ont vu leurs équipements largement renouvelés ou en passe de l’être (Rafale, hélicoptères Tigre et NH90, avions de transports A400M, blindés VBCI, panoplie du fantassin FELIN, frégates FREMM, missile balistique M51…), beaucoup reste à faire : avions ravitailleurs, drones MALE, satellites militaires, mais aussi renouvellement des blindés de l’armée de terre.

L’armée française, dont le format a été largement réduit ces dernières années, coûte-t-elle si cher? Elle affiche au contraire un bon rapport qualité-prix, mis en évidence par l’opération malienne et par quelques grands ordres de grandeur : la Force océanique stratégique (FOST), qui met en œuvre les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et les six sous-marins d’attaque (SNA), est mise en œuvre, rappelait le chef d’état-major des armées, par 3.200 marins, effectif équivalent à celui des agents municipaux d’une ville comme Montpellier. L’effectif de l’armée de l’air est équivalent à celui de la RATP. Le groupe PSA pèse en effectifs deux fois plus que l’armée de terre.

Et si l’armée française intervient plutôt plus que les armées comparables, elle coûte finalement plutôt moins cher : "En Europe, l’écart entre les efforts de défense britannique et français s’est creusé : le budget britannique restera significativement plus élevé, même après la mise en œuvre des réformes britanniques de 2010, écrivait la Cour des comptes en juillet 2012. Quant à l’Allemagne, son budget de défense tend à devenir plus important que le budget français, hors sa composante nucléaire."

Les 3 risques que ferait courir à la France une coupe budgétaire à la hussarde

Un autre effet d’une baisse sensible et brutale du budget de défense serait, par ricochet, l’affaiblissement immédiat d’un tissu industriel performant, qui représentait en 2010 selon la Direction générale de l’armement (DGA), "165.000 emplois directs, au moins autant d'emplois indirects et un chiffre d'affaires de l'ordre de 15 milliards d'euros", avec des champions comme EADS, Thales,Dassault Aviation, Safran, DCNS, MBDA, Nexter, Renault Trucks Défense mais aussi 4 000 PME spécialisées dont 1500 pépites technologiques.

Comme le soulignait la Cour des comptes en juillet 2012, des économies peuvent être trouvées en limitant "l’encadrement supérieur du ministère", en gérant mieux les achats, en mutualisant au niveau européen, en limitant les dépenses qui ont le moins de lien avec les fonctions opérationnelles. Mais une coupe à la hussarde mettrait en danger les ambitions stratégiques de la France, l’efficacité de ses armées et la compétitivité de son industrie de défense. C’est toutes ces dimensions que le Président, le ministre de la Défense, Bercy et les parlementaires devront avoir en tête avant de prendre des décisions sans retour.

Source:challenges

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