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VERS L’UNION FISCALE EUROPÉENNE

21 Avril 2013 , Rédigé par Stéphane Publié dans #Europe, #Economie

VERS L’UNION FISCALE EUROPÉENNE

L’Union européenne est un cadre unique au monde en ce qui concerne la libre circulation des salariés parmi des Etats souverains. Naturellement, les citoyens de l’Union utilisent leur statut de citoyens européens pour aller trouver ailleurs de meilleurs emplois et de meilleures conditions de vie. Problème : ça ne plaît pas à tout le monde et certainement pas aux Etats-membres.

A Grand-Fougeray, petit village de Bretagne de 2.000 habitants, jouxtant la voie rapide entre Rennes et Nantes, se sont installés deux ou trois familles bulgares. On trouve l’une d’entre elles dans une petite maison juste derrière l’église. Lorsque l’on passe dans la rue, on entend cette langue bulgare qui produit un effet bizarre dans cette Bretagne profonde. Ils travaillent dans des entreprises locales qui n’ont pas trouvé de bretons et ont dû recruter ailleurs. Les bulgares ont saisi l’occasion dont n’ont pas voulu les français. Qu’importe d’ailleurs que certains soient bulgares et d’autres français puisqu’ils sont tous citoyens européens de plein droit.

Mais ce qui se passe dans ce petit village breton inquiète au plus haut point l’Etat bulgare. Plus de 600.000 bulgares ont quitté leur pays ces dix dernières années pour aller travailler en Europe occidentale comme nos bulgares de Grand-Fougeray : sur une population de presque 7,5 millions d’habitants, c’est une saignée de 8% de la population qui ne reviendra sans doute plus jamais.

Or la Bulgarie est loin d’être la seule dans ce cas : l’ensemble des pays de l’ancien bloc soviétique connaissent un problème identique. Sur la même période 230.000 lettons sont partis, soit 10,3% d’une population de 2,2 millions d’habitants.

Même constat pour les pays de l’Europe occidentale. Selon la Commission européenne, la population de l’Espagne augmentait à un taux annuel de 1,7% entre 2004 et 2008. Mais les projections montrent une contraction de la population de 0,2% pour 2013 et 2014. Il ne s’agit pas seulement d’une démographie en berne, mais aussi de l’impact des départs sous l’effet de la crise : les espagnols partent massivement en Allemagne. Même chose pour les grecs. Et encore ne compte-t-on que les migrations intra-européennes. Des européens, de l’est comme de l’ouest, partent dans les zones nord-américaine ou australienne. Songeons que pour la France, il y aurait 2 millions de français partis, soit 3% de la population de l’hexagone.

Le fisc prodigue

Nos bulgares de Grand-Fougeray ont sans doute résolu leur problème d’argent. Ils sont maintenant dans de meilleures conditions de vie. Mais en améliorant leur quotidien, ils étaient loin de se douter qu’ils portaient un coup très dur à l’économie de leur pays d’origine.

Les effets des migrations européennes ont de lourds impacts sur les salaires et les systèmes sociaux des pays de départ. Dans 15 ans, entre 20 et 25% de la population des pays d’Europe de l’est aura plus de 65 ans. En conséquence, les Etats de cette zone devront dépenser plus sur les retraites et la santé avec des impôts payés par une population active de moins en moins nombreuse notamment parce qu’elle part. Le même phénomène atteint maintenant les pays de l’Europe occidentale, comme on le voit avec l’Espagne, le Portugal et la France.

Les Etats-membres entrent dans un cercle vicieux : l’austérité pousse les jeunes à partir, et cette perte entraîne une plus grande austérité pour ceux qui restent et dont les impôts doivent compenser le manque à gagner des départs. En conséquence la pression fiscale augmente ce qui entraîne alors de nouveaux départs de jeunes mais aussi d’entrepreneurs qui ne supportent plus les augmentations d’impôts et décident de se délocaliser dans un pays plus business-friendly. Ces départs sont alors un nouveau un manque à gagner qu’il faut compenser avec ceux qui restent, etc., etc… la spirale de la pression fiscale n’a plus de fin.

Devant ce phénomène récent – une dizaine d’années -, les Etats-membres de l’UE semble désemparés. Si les citoyens qui partent y trouvent leur compte, les Etats, eux, sont mis en difficulté, ce que souligne la Commission européenne : « cette situation peut compromettre les efforts nationaux visant à collecter l’impôt correctement, conduire à des situations de double non-imposition, voire favoriser la fraude et l’évasion fiscales. »

A vrai dire, les Etats-nations se prennent en pleine face à la réalité économique que leur imposent leurs propres contribuables : si le pays n’est plus assez compétitif, n’offre plus de contexte favorable au travail et à une rémunération digne de ce nom, si la pression fiscale est trop forte, mais que dans la même Union il se trouve un pays plus accueillant, alors bien évidemment le contribuable va partir. Inadaptés, « les États membres ont de plus en plus de mal à identifier correctement les contribuables, compte tenu de la mobilité accrue des citoyens et du caractère davantage transfrontière de l’activité économique » constate la Commission européenne.

Contribuable, où es-tu ?

Pour résoudre le problème, la Commission européenne a ouvert le chantier fiscal européen le 25 février dernier. Elle a lancé « deux consultations publiques sur des mesures spécifiques qui pourraient améliorer la perception de l’impôt et garantir un meilleur respect des obligations fiscales dans l’ensemble de l’Union. »

La Commission, sous le prétexte de vouloir aider les Etats-membres à mieux collecter leurs impôts, semble vouloir jeter les bases de ce qui sera le fisc européen. Pour cela, elle veut mettre en place deux mesures sur lesquels des préconisations stratégiques seront faites d’ici la fin 2013.

Première mesure : un code européen du contribuable. La Commission explique : ce code « clarifierait les droits et obligations des contribuables comme des administrations fiscales. Ces codes varient considérablement d’un État membre à l’autre ; il peut donc se révéler extrêmement difficile pour les citoyens et les entreprises de connaître leurs droits dans différents États membres et de se conformer à leurs obligations fiscales dans les situations transfrontières. »

Deuxième mesure : un numéro d’identification fiscal (TIN) européen. La Commission pense qu’un tel numéro « faciliterait l’identification des contribuables dans l’Union » et permettrait donc aux Etats-nations de mieux récupérer leur impôt auprès de leurs citoyens expatriés.

Dans un cadre européen qui se veut de plus en plus fédéral, l’idée peut paraître logique. Mais soyons vigilant : veillons à ce que ce code européen du contribuable et ce numéro d’identification fiscal européen ne soient pas des moyens supplémentaires pour augmenter la pression fiscale sur les contribuables.

Il est important de s’engager dans ce débat et de participer aux consultations publiques voulues par la Commission européenne. Car derrière le prétexte de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale invoqué par la Commission européenne se cache un autre fait bien plus important : nos bulgares de Bretagne, nos espagnols de Francfort, nos estoniens de Dublin et nos français de Londres font jouer la compétitivité fiscale entre les Etats et donnent ainsi des idées à de nombreux autres contribuables européens. Et ça, les Etats n’aiment ni ce genre de liberté, ni être comparés. Attention donc à ce que le fisc européen ne soit pas liberticide.

Source:contribuables

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